Brulhatour

L'audio (le podcast notamment) restera (encore longtemps) gratuit



Mercredi 1 Février 2023

Bien sûr que si vous en aviez la possibilité vous obligeriez vos auditeurs à opter pour des abonnements payants afin qu'ils aient accès à vos contenus sonores (natifs ou replay). Cinq, dix, quinze euros ou plus, chaque mois, pour qu'ils puissent vous écouter. Que ce monde du travail, et en particulier celui du podcast, deviendraient alors intéressants ! Certains s'y sont essayés. Pour l'instant, comme le disait un célèbre Corrézien, ça a fait "pschitt".



Je ne suis pas certain que la petite poignée d’expériences qui a été tentée ces derniers mois en France par deux ou trois studios a porté ses fruits. Qu’est-ce qui me le fait penser ? Nous n’avons eu aucun retour de ces expériences qui consistaient à proposer, pour souvent moins de 5 euros par mois, un contenu exclusif…
Quand on connaît l’entrain qu’ont les studios et les radios à mettre en avant leurs bons résultats, dans ce cas précis, personne n’est revenu à la charge avec des communiqué dithyrambiques. Donc, j’en déduis que ces expériences n’ont pas séduit le public et qu’elles ont été des échecs.
Pour rappel, en avril 2021 le studio Louie Media lançait "En Écriture", sa première série payante. En juin 2021 les auditeurs de plus de 170 pays pouvaient souscrire à des abonnements par le biais de chaînes directement sur Apple Podcasts. À la même période, Europe 1 avait lancé "Hondelatte raconte premium". Même Pénélope Boeuf avait proposé tous ses contenus sans aucune publicité via une offre payante sur Apple Podcasts à 1.49€/mois. Depuis, pas de nouvelles.

Le tout-gratuit, c'est un état d'esprit

On cite souvent l’exemple américain pour mettre en avant la radio dite payante ou le podcast dit payant. De l’autre côté de l’Atlantique, il est vrai que ce marché fonctionne plus ou moins. Mais pas pour des raisons liées à un contenu soigné ou exclusif. Ce modèle fonctionne, notamment pour la radio payante, parce que les distances dont tellement grandes qu’il est impossible de couvrir l’intégralité du pays avec des émetteurs. Alors, les éditeurs passent, par exemple, par le satellite et les auditeurs acceptent de payer un abonnement pour écouter des programmes. C’est l’inconvénient d’habiter loin de tout… Et puis, là-bas, l’auditeur n’a pas forcément été habitué au tout-gratuit qui est, en France, une vraie philosophie de vie.

Une stratégie assez hasardeuse

Hormis de bonnes audiences qui entraînent mécaniquement de bons revenus, hormis un accompagnement participatif de votre communauté, hormis une levée de fonds ou le développement des podcasts de marques -dont le chiffre d’affaires généré vous permettrez à terme de produire des séries originales-, la marge de manoeuvre reste relativement étroite pour générer des revenus.
En l’état actuel, et sans prendre trop de risques, la stratégie qui consisterait à mettre en place un abonnement payant pour obtenir un contenu exclusif reste assez hasardeuse en France. Même si vous proposez un contenu à très haute valeur ajoutée ce qui, dans tous les cas, vous obligerez à consacrer un budget relativement conséquent car, dans tous les cas la qualité, voire ici la très haute qualité, exige beaucoup d’investissement.
Vous allez me dire : "On paye bien un abonnement mensuel pour voir des films ou écouter de la musique ?". C'est vrai, moi le premier. Mais le cinéma et la musique sont beaucoup plus populaires que ne l'est le podcast qui demeure toujours un secteur qui passe sous les radars. Le dernier Digital report 2023 nous rappelle que la France est (presque) bonne dernière lorsqu'il s'agit d'écouter des podcasts (45e au classement mondial...). Voilà qui devrait freiner vos idées fumeuses de commercialisation.

Des essais timides à la radio

La seule possibilité qui pourrait, à très long terme, bénéficier de résultats est celle qui consiste à proposer à ses  auditeurs différents flux radiophoniques sans publicité. Le groupe Bauer Media (lire ICI) tente actuellement l’expérience en Scandinavie avec des programmes sans publicité et pour certains de niche. C’est pas idiot à condition que ce genre de flux sous abonnement soit unique et soit aussi et surtout disponibles partout : chez soi, dans sa voiture, sur son téléphone… Cela demande une importante logistique technique. Mais encore une fois, pourquoi payer alors que sur le Web vous trouverez un produit quasi-similaire gratuitement ?
Autre sentiment que j’ai déjà évoqué ici, c’est la différence entre adhésion et abonnement. Je me permets d’en ajouter une couche. Ce n’est parce que vos auditeurs adhèrent à ce que vous dites à la radio ou dans vos podcasts qu’ils sont prêts à s’abonner en monnaie sonnante et trébuchante. Il faut bien comprendre ce qui différencie l’adhésion de l’abonnement. Les qualités et les efforts qu’il faut fournir pour encourager l’adhésion ne sont absolument pas les mêmes que ceux que vous devez produire pour transformer l’essai en un abonnement payant.

Un climat général anxiogène

Enfin, il y a la situation internationale. Avec une inflation galopante, une guerre aux portes de l’Europe dont personne ne sait qu’elle sera sa conclusion, un climat social tendu en France comme ailleurs… la situation n’est pas propice pour demander à l’auditeur de donner du temps et un peu d’argent. Et on sait que ces situations instables freinent l’engouement des Français qui doivent composer avec des dépenses contraintes de plus en plus élevées.
Ce qui est certain c’est que notre société est à un point de bascule. Jamais d’ailleurs, le monde récent n’a été aussi prêt de ce point de bascule. Personne ne peut dire de quel côté la société basculera. On sait tous qu’on s’y dirige mais on ne sait pas vraiment quel sera le point d’arrivée de cette période. Tant que le contexte sera ce qu’il est, il sera (pas impossible forcément) mais beaucoup plus difficile de se lancer dans des challenges...
Brulhatour