Parler, c’est prendre un risque

Rédigé par le Lundi 3 Juillet 2017 à 08:00 | modifié le Lundi 3 Juillet 2017 à [HEURE]


Trop d’automatismes nuisent à ce qui devrait être la finalité d’une intervention : la persuasion. Persuader l’auditeur qu’il a choisi le programme qui correspond à ses attentes. Ainsi, chaque prise de parole au micro s’apparente à une prise de risque.



L’habitude (et surtout l’habituel) s’installe dans toutes les professions. Une réalité d’autant plus vérifiée et vérifiable dans la bouche des animateurs, des chroniqueurs, des journalistes et de toutes celles et tous ceux qui sont amenés à s’exprimer, de façon régulière, devant un micro. Ces automatismes et ces réflexes irréfléchis, qui apparaissent après quelques mois de pratique, conduisent à des interventions machinales : lancements similaires d’une intervention à l’autre et constructions de phrases identiques autour d’un vocabulaire parfois pauvre et souvent monotone.

Il est curieux, mais pas étonnant, de constater que les animateurs et les journalistes, qui ne parviennent pas à catalyser les auditeurs ont trois points communs qui les caractérisent. Primo : ils ne se rendent rarement compte que leur présence à l’antenne est ennuyeuse. Secundo : ils traînent invariablement un déficit de vocabulaire plus ou moins invalidant. Tertio : ils sont souvent emprunts d’amertume et d’aigreur : "vous voyez : je vous l’avais bien dit ! ", "Ah ah ça me fait doucement rire tous ces conseils" ou le plus célèbre "c’est nul de faire ça parce que ça ne marchera pas".

Un exercice difficile

Il est nécessaire de considérer que parler à la radio est assurément un exercice (très) difficile. Pourtant que ce serait la radio sans la voix ?  Quel serait son degré de puissance émotionnelle si la musique se substituait en totalité à une présence humaine ? Alors parler : quand ? Combien de temps ? À qui ? Pourquoi ? Répondre à ces quatre interrogations c’est limiter les risques de fuite de l’auditeur. Cela ne veut pas dire que ce pari de la prise de parole est forcément gagné. Parce qu'il y a aussi une autre interrogation : dire quoi ?

Des profils à risques

Ceux qui vous disent généralement qu’ils ne connaissent pas le trac, ceux qui avec fierté vous annoncent qu’ils sont capables de générer quinze interventions comme ils enfileraient des perles à un collier, ceux qui se réfugient derrières leurs automatismes…  bref, ceux qui travaillent sans réfléchir mais qui bénéficient néanmoins d’une certaine capacité à animer. Cette facilité dont ils jouissent fait d’eux de redoutables prédateurs de chefs d’antenne et de sérieux démobilisateurs au sein d’une équipe. C’est pour toutes ces raisons que peu d’animateurs, de chroniqueurs ou de journalistes peuvent s’enorgueillir de durer. Rappelons-nous que l’animation passe par la persuasion qui, elle-même nait de la réflexion, provoque une action de l’auditeur, action qui débouchera sur la décision (ou non) de vous écouter.
Certains animateurs ont naturellement du charisme, d’autres moins. Les seconds doivent produire davantage d’efforts pour convaincre, corriger et améliorer leur contenu. Ceux qui y parviennent sont ceux capables de mener une véritable introspection sur leur travail quotidien. Ils sont rares.

A versus Z : des exemples qui parlent…

Animateur A : aujourd’hui il va pleuvoir
Animateur B : aujourd’hui il ne va pas faire beau

Journaliste A : le député nous a dit pourquoi il allait se représenter
Journaliste B : le député a répondu à nos questions

Animateur A : grâce à notre jeu, vous allez gagner un voyage
Animateur Z : grâce à notre jeu, vous aurez peut-être la chance de gagner un voyage

Journaliste A : prochaines infos à 07h. Dans l’immédiat la suite de la matinale
Journaliste Z : merci d’avoir suivi ce journal à tout à l’heure

Animateur A : ce nouveau titre est sensationnel
Animateur Z : ce nouveau titre est pas mal du tout

Il suffit d'écouter

Alors certes, ces exemples de phrases automatiques ne reposent pas forcément sur un vocabulaire élaboré, riche et varié. Celles de l’animateur A et du journaliste Z sont, vous en convenez  positives. Pour l’animateur Z et le journaliste Z, ces phrases respirent la réserve, la prudence et la négation. Malgré cela demeure très différent du "parler pour ne rien dire" (annonce ou désannonce de titres et de rappels du nom de votre radio dans un seul et unique intervention de quinze secondes). Le "parler pour ne rien dire" est pourtant particulièrement adapté à certaines stations car, dans ce cas, l’auditeur est là pour écouter ses "hits préférés" par pour rechercher une quelconque valeur-ajoutée dans vos propos.
Parler dans un micro est le meilleur des divans pour connaitre, très rapidement, les personnalités qui vous entourent et, pour l’auditeur savoir s’il se sentira ou non en confiance. Il suffit d'écouter.

Brulhatour est le rédacteur en chef du magazine La Lettre Pro de la Radio et le directeur associé… En savoir plus sur cet auteur
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