Les Dossiers #5 - Profession podcasteur : seul et en vivre

Rédigé par le Mardi 3 Décembre 2019 à 06:47 | modifié le Mardi 3 Décembre 2019 à [HEURE]


Depuis maintenant deux ans, le paysage du podcast français voit arriver de plus en plus de professionnels du son, de la radio et du journalisme qui créent des structures, des labels pour produire du contenu. Cette vague, sans amener de business model précis, amène des fonds de la part des entreprises et des régies publicitaires. Mais, à la marge, il existe aussi des personnes qui se lancent seules dans cette aventure, abandonnant même leur métier pour vivre de leur passion.


Clémentine Galey développe le podcast "Bliss"

Même s'il est difficile de quantifier précisément les audiences des podcasts, tous les acteurs du secteur s'accordent pour dire qu'une progression des audiences globales existe depuis deux ans. Et cette nouvelle vague d'auditeurs, catégorisée par certains instituts comme une cible privilégiée car CSP+, ne regardant pas la télé et utilisant des adblocks pour naviguer sur le web, est devenue une nouvelle cible à atteindre pour les publicitaires.  Voilà pourquoi beaucoup de podcasts produits par des labels, des collectifs s'engouffrent dans cette brèche, venant peupler les catalogues de podcasts avec des contenus faits pour plaire à cette frange de la population. Mais, à la marge, il existe aussi des indépendants, des artisans du podcast. Ils font tout eux-mêmes et ont atteint un niveau d'écoute suffisant pour monétiser leur audience d'une manière ou d'une autre. 


Rester indépendant ?

Patrick Beja note également que ses revenus sont stables alors que ses audiences augmentent, ce qui prouve que les deux ne sont pas forcément liés
l y a trois ans, Patrick Beja est devenu le premier podcasteur indépendant et professionnel de France (même s'il vit en Finlande). Le rendez-vous Tech est une émission hebdomadaire sur les actualités technologiques. Et grâce à la plateforme Patreon (financement participatif par les auditeurs), il a pu se dégager un salaire couvrant également ses frais de fonctionnement. En contrepartie, les patreotes reçoivent du contenu exclusif, un accès à un espace privé et peuvent même intervenir au sein de l'émission en fonction du montant de leur contribution. Si les montants ne sont pas connus, le Patreon de l'émission est soutenu par 1 337 personnes en octobre 2019. Et pour continuer son développement, Patrick a décidé cette année de diversifier ses revenus en ajoutant une publicité en pré-roll (avant le début de l'émission). Cela reste un apport modeste par rapport au financement des auditeurs mais c'est rassurant pour sa trésorerie.

Le succès de "Choses à Savoir"

Il fait 3 millions d'écoutes par mois et pourtant il est seul. C'est Louis-Guillaume Kan-Lacas du podcast Choses à savoir, un des podcasts les plus écoutés de France (plus de 3 millions d'écoutes mensuelles). Maintenant décliné en plusieurs thématiques (Sciences, Santé, Histoire, Culture générale, Jeunesse, Apprentissage de l'anglais et Quiz), Louis-Guillaume a commencé sa monétisation avec de la publicité en pré-roll. Mais depuis l'année dernière, il a commencé à réaliser du contenu dit "brand content". Ce contenu est entièrement sponsorisé par une marque afin de la mettre en avant. Dans une série, Choses à savoir Dormir, en partenariat avec Dreem, il est question d'explorer les questions autour du sommeil. Cette aide financière lui permet de se consacrer pleinement à la production de contenu (plus de 100 épisodes par mois).

Plus d'impact pour l'annonceur

Dernier exemple, Clémentine Galey, créatrice du podcast Bliss Stories sur la maternité. Grâce à ce sujet de niche, son audience partage des spécificités communes : plutôt du genre féminin, entre 20 et 40 ans, et à l'écoute des problèmes de maternité. C'est bien assez d'informations pour les régies publicitaires. Depuis plusieurs mois maintenant, Clémentine a mis une publicité en début de podcast, qu'elle écrit et lit elle-même. Cela s'intègre mieux dans l'épisode, et donc a plus d'impact pour l'annonceur (mais ce n'est pas le même prix). Cette manne financière lui a permis de quitter son job pour se consacrer à 100% à ses podcasts. Elle a également monétisé l'exclusivité temporaire de ses épisodes à la plateforme Sybel (10 jours en avance). Il était important pour Clémentine de toujours garder la gratuité du contenu pour toute son audience.
 
Leur point commun ? L'envie de continuer à s'investir dans le podcast et à passer par le recrutement d'une personne pour les accompagner dans les différentes étapes de la production et de la promotion. Mais pour réaliser cela, pour oser recruter une personne, il faut que le marché se solidifie, qu'un consensus sur la mesure d'audience soit trouvé. Cela leur permettra de certifier leurs audiences et ainsi négocier de meilleurs contrats publicitaires. 

Fondateur @podcutu // Président @podcasteofr / En savoir plus sur cet auteur
Dans la même rubrique :