Flashback en 2012 - Peut-on dire "bonne soirée" à 17h ?

La Lettre Pro de la Radio n°26 du 25 octobre 2012

Rédigé par le Vendredi 15 Aout 2014 à 10:00 | modifié le Lundi 7 Mai 2018 à [HEURE]



Voilà une expression polluante pour ne pas dire toxique. "bonne soirée". "Je vous souhaite une bonne soirée". Ou encore le très collectif "nous vous souhaitons une bonne soirée". Dire "bonne soirée sur X Radio" c’est déjà (un peu) mieux. Pour autant, ce n’est absolument pas indispensable…


"Nous vous souhaitons à toutes et à tous une agréable soirée"... On se croirait à bord d’un avion ou dans un train lorsque l’hôtesse ou le contrôleur ont l’obligation commerciale de vous souhaiter "un très agréable voyage".
Derrière un micro, souhaiter une "bonne soirée" revient à se sentir obligé de caresser l’auditeur dans le sens du poil alors que, et on le sait très bien, ce n’est pas parce que vous oubliez de lui souhaiter un "bon réveil", une "bonne matinée", un "bon après-midi", un "bon vendredi", un "bon week-end", un "bon moment avec nous" et même parfois un "bon courage" que vos courbes d’audiences vont s’inverser vers le bas. L’inverse est aussi vrai : ce n’est pas parce que vous utiliserez ces formules de politesse à tout bout de champ, que vos courbes deviendront ascendantes.

Des tics qui toquent l’auditeur

Saviez-vous par exemple que la règle la plus élémentaire des politesses interdit (par exemple) de lâcher une fois à table, un "bon appétit" ? Souhaiter un "bon appétit" revient à vous souhaiter un bon transit intestinal… Si vous devez vous débarrasser d’un tic de langage, concentrez-vous donc sur le très célèbre "…et bon appétit si vous êtes à table" (pensez-vous sincèrement que des auditeurs ont un transistor près de leur assiette ?) qui est généralement précédé par le non moins célèbre "merci de nous avoir suivis" ou par le "merci d’avoir suivi ce journal". Bref, maintenant, foutez-le camp !
Revenons-en à notre interrogation formulée plus haut : peut-on utiliser l’expression "bonne soirée" à 17h ? Ne soyez pas surpris par cette formulation car les auditeurs l’entendent souvent à partir de 17h. L’animateur aurait utilisé cette expression à 20h ou à 21h, il y a fort à parier que cela ne choquerait personne. Mais à 17h05, votre attention a d’autant plus été éveillée. Attendez le changement d’heure du 28 octobre prochain pour y céder…  A 17h, un soir de pluie d’un mois de décembre, cette expression trouvera (presque) toute sa signification.

Des tics révélateurs d’un état d’esprit

Curieux de constater que ces expressions polluantes traduisent également, au moment où elles sont utilisées, l’état d’esprit de celui qui les décline. Dans ce cas précis, l’auditeur ressent indirectement que le journaliste, qui venait donc de conclure son flash par ces mots, n’avait qu’une seule envie passer lui-même une bonne soirée et si possible débaucher le plus rapidement possible… Souhaiter une "bonne soirée" à 17h revient donc à souhaiter un bon réveil à 11h ou une bonne fin de week-end un dimanche à midi.
Tout cela pour dire qu’il est inutile de stresser les auditeurs avec ces expressions toutes faites ou encore en déclinant régulièrement les horaires (excepté sur la tranche 06h / 09h). Bannissez les "bonne fin de week-end", "bonne fin de vacances", oubliez volontairement d’annoncer l’heure les samedis, les dimanches et les jours fériés, seuls moments dans la vie d’un auditeur où le temps passe toujours beaucoup plus vite que sur son lieu de travail.
Ne communiquez pas votre stress ou vos angoisses de salarié à celui qui vous écoute.
N’effrayez pas l’auditeur en lui indiquant que son week-end est bientôt terminé et que, demain lundi,  il faudra qu’il revienne au boulot. Et ne souhaitez plus une "bonne soirée" à 17h durant un après-midi d’été.  


Brulhatour est le rédacteur en chef du magazine La Lettre Pro de la Radio et le directeur associé… En savoir plus sur cet auteur
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