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Le Mag 69 - André Torrent : 48 ans de radio

Rédigé par le Mercredi 8 Juillet 2015 à 07:00 | modifié le Mardi 7 Juillet 2015 à 18:13



Un immense animateur quitte sa radio sur la pointe des pieds. André Torrent, l’ami des stars, l’homme du Hit-Parade de RTL, de La Valise, du Stop ou Encore, et de mille autres aventures radiophoniques, a quitté la rue Bayard à la fin du mois de juin. Entretien avec un grand monsieur, que son propre succès n’a jamais ébloui.


André Torrent est passé par Europe 1, RMC, et même... Le Journal de Tintin. Mais c'est sur RTL qu'il fera l'essentiel de sa carrière. (Photo abaca press pour RTL)
André Torrent est passé par Europe 1, RMC, et même... Le Journal de Tintin. Mais c'est sur RTL qu'il fera l'essentiel de sa carrière. (Photo abaca press pour RTL)

Une image ? Nous sommes en 1974. André Torrent (André Tollebeeck de son vrai nom) célèbre son mariage avec sa femme Régine. Dans la salle des cérémonies de cette ville de Belgique, devant le bourgmestre un peu empesé, au milieu des convives en pattes d’eph et manteaux de fourrure… arrive... Claude François. Himself. Il est témoin du mariage. Et il signe le registre juste avant tante Claudine.
André Torrent, c’était ça. L’ami des stars ? "Non, les stars, ce sont plutôt des collègues de travail", s’amuse-t-il. Un sourire dans la voix, très agréable, très accessible : André Torrent n’a pas changé.
 

Comment est née la vocation de celui qui a littéralement créé le job d’animateur de tranches musicales ? "Mon grand-père paternel était non-voyant. À la fin des années 50, mes journées étaient donc rythmées par la radio. Et j’ai toujours eu envie d’en faire. Alors j’en faisais, tout seul dans ma chambre, avec une boîte de Nescafé à la place du micro !"

Au revoir, Monsieur Torrent !
Au revoir, Monsieur Torrent !

Les scoops d'un jeune journaliste

À 17 ans, il envoie une maquette à Europe 1. "C’était très mauvais. Pour une raison simple : je n’avais rien à dire…" La radio, ce n’est donc pas encore pour cette fois. Mais le jeune André dégotte ses premières piges en presse écrite, à Bruxelles, pour Le Journal de Tintin. "Au départ, je faisais des papiers sur le ciné. Et puis, j’ai petit à petit proposé des sujets sur les chanteurs…

C’est le début d’une tendance nouvelle : le jeune public se découvre une passion pour ce type d’articles consacrés à leurs idoles. André est emporté dans le tourbillon et se met alors à rencontrer toutes les stars des sixties de passage à Bruxelles. "J’ai mangé des crêpes avec Françoise Hardy, j’ai écouté des disques toute une après-midi dans une chambre d’hôtel avec Sylvie Vartan…" La belle vie, quoi. Et la naissance d’une vocation.
 
"C’est ainsi que je deviens journaliste. Je travaille de 1963 à 1967 pour Tintin, Télé 7 Jours, Marie-Claire… et je décroche aussi une pige pour Europe 1." Il devient l’un des reporters de la radio en Belgique. Et une dramatique actualité le propulse aux premières loges. "C’était le 22 mai 1967. L’incendie du grand magasin l’Innovation, à Bruxelles. Je suis prévenu très vite, je me précipite sur place avec mon vieux magnéto Scubi et je tombe sur le premier pompier sortant du brasier. Les deux ou trois phrases qu’il me lance donnent tout de suite l’ampleur du drame qui est en train de se jouer…" Cet incendie, gigantesque, fera plus de 300 morts.
 
La réactivité du jeune reporter le fait repérer par Europe 1. La porte est ouverte, à lui de bien jouer sa carte. Mais trois mois plus tard, le 21 août 1967, André décroche un essai à la RTBF. "C’est une chance : je coprésente La preuve par 4 avec Arlette Vincent." Seulement, pendant ce temps se déroule un autre dramatique fait divers, à Martelange, à la frontière du Luxembourg : le chauffeur d’un camion-citerne rempli de 4 000 litres de gaz de pétrole liquéfié perd le contrôle. Il explose en plein cœur du village, allumant des dizaines d’incendies et tuant 22 personnes. "Europe croyait que j’étais sur le coup. Dommage. C’est la fin de ma carrière de journaliste…".

André Torrent tel qu'en lui-même : très agréable, affable et souriant. Il va manquer au paysage.
André Torrent tel qu'en lui-même : très agréable, affable et souriant. Il va manquer au paysage.

De "la Disco de papa" au "Stop ou encore"

Mais le début de sa carrière d’animateur. En effet, à force de frapper aux portes, il finit par ouvrir celles de RTL. "Je suis pris à la rentrée 1967 pour présenter une émission musicale, j’y remplace Jean Bardin. L’émission, c’est « La disco de papa ». Le principe : c’est un jeune de 22 ans qui découvre les disques de ses parents et qui les présente… et raconte, par exemple, que la France est entrée en guerre sur « Boum » de Charles Trenet…"
 
L’aventure dure une saison. "Et puis, elle s’arrête. France Inter me dit non, Europe 1 me dit non… À l’époque, il n’y a pas beaucoup de choix…" Mais il reste les radios du sud. Et notamment RMC. "Je suis finalement pris par RMC pour un remplacement de 3 semaines. J’y reste… 3 ans !" Ce sont trois très belles années. "Trois ans de parenthèse enchantée, de 1968 à 1971. Très agréable, mais… je ne voyais pas très bien l’issue. C’était une prison dorée. À 26 ans, Il fallait que je bouge si je voulais réussir à faire carrière pour de vrai !"
 
André Torrent lâche donc RMC, la Principauté, les palmiers et la vie douce. Il remonte à Paris. "J'entre à la régie pub de RTL. J’écris des messages, j’enregistre, je monte, je fais des voix…" Il est près de la grande maison, juste à côté de la petite porte de service, et il attend l’occasion d’y revenir. Elle se présente. "Des remplacements avec Madame Soleil, une co-animation avec Anne-Marie Peysson…" Et le jour arrive enfin où on lui propose une émission. Un contrat pour deux mois.
 
"On me propose, juste pour l’été, à partir du 3 juillet 1972, de présenter le Hit-Parade. Je l’ai en réalité présenté… jusqu’en 1981 !"
C’est un succès considérable. Basée sur la découverte des nouveaux talents et les votes des auditeurs, l’émission devient extrêmement populaire. "Je la présente tous les jours entre 19h et 20h, puis de 18h30 à 20h30. À son apogée, l’émission comptait jusqu’à 2 millions d’auditeurs sur les grandes ondes !"
Les succès s’enchaînent. Après le Hit-Parade, c’est l’émission Challenger. Puis Stop ou Encore. C’est aussi André Torrent qui fait gagner la première valise de RTL, en 1974. André Torrent décline aussi ses émissions à la télévision, sur RTL TV, notamment. Et sur TF1 dans les années 80.
Après 44 ans d’antenne rue Bayard, André Torrent quitte "sa" maison ce mois de juillet 2015. Il animait depuis plusieurs années "Un Torrent de musique", le week-end, en direct de 4h30 à 7h. "Dommage, sourit-il. Juste encore 2 saisons, et j’aurais eu  au total 50 ans de carrière !"

Les années Hit Parade: au départ, cette émission ne devait durer qu'un été. Elle a duré... presque 10 ans!
Les années Hit Parade: au départ, cette émission ne devait durer qu'un été. Elle a duré... presque 10 ans!

"Rien n’est jamais gagné"

Une carrière d’animateur n’est jamais un long fleuve tranquille. C’est mécanique : un jour, vous tutoyez les sommets, et le lendemain, vous êtes un "has been".
Son premier départ de RTL, à la fin des années 60, lui laisse encore un souvenir cuisant. "Le directeur de l’époque m’a, en personne, raccompagné à la porte de la radio. Il avait l’air pressé. Dans la rue Bayard, je fais quelques dizaines de mètres, je me retourne et je vois tous mes collègues aux fenêtres. Pas pour me saluer : ils étaient en train de prendre la photo de rentrée. Une photo sur laquelle je ne serai pas…"

Quelques années plus tard, après le grand succès de ses émissions, André Torrent est invité en 1982 à déjeuner par le directeur. "C’était le 3 juillet. À l’époque, j’animais Challenger. C’est toujours inquiétant une invitation à déjeuner du directeur en fin de saison… Raymond Castans m’a offert une conversation très agréable, et au moment des cigares, il m’a annoncé… qu’il allait donner la place à Julien Lepers." André Torrent sourit. Il s’est quand même vu confier le Stop ou Encore.

La célébrité, la notoriété ? Il n’est pas dupe. "Vous savez, la popularité n’est jamais liée qu’à la puissance de l’émetteur, et de la tranche qu’on vous confie. La radio, c’est quelqu’un qui parle à quelqu’un… rien de plus. Jean-Claude Pascal me disait à ce propos qu’être connu, c’est très facile. Mais de le rester, c’est très dur. Et il m’avait prévenu : la célébrité, c’est terrible de s’en remettre !"
Un animateur avisé en vaut deux : André Torrent a sans doute duré parce qu’il n’a jamais été dupe, et qu’il a su anticiper les hauts et les bas. "Dans nos métiers, rien n’est jamais gagné. Il faut l’accepter. Il y a des doutes, des traversées du désert. On vous fait moins confiance. On entend « il a fait son temps ». Dans ce métier, il faut tout autant faire la conquête de l’audience que celle des nouveaux directeurs !"

Cool, sympa et détendu, avec plein d'histoires à partager: André Torrent n'a pas chagé. A part peut-être au niveau des chaussures.
Cool, sympa et détendu, avec plein d'histoires à partager: André Torrent n'a pas chagé. A part peut-être au niveau des chaussures.

"Le mot retraite me fait très peur"

"Une page se tourne ? Je pense que c’est plutôt un livre qui se referme !"
André Torrent part sans heurt, au terme d’une jolie carrière. "Ce n’est pas insultant de prendre sa retraite. Mais le mot « retraite » me fait très peur." Il savait qu’il faudrait un jour s’y résoudre. "C’est Christopher Baldelli qui a pris la décision. Je l’ai laissé faire : je ne pouvais pas le faire moi-même. Il a eu la gentillesse de jouer le rôle du méchant. Je pars à 70 ans, Olivier Mazerolle arrive à 73 ans. C’est tout de même assez drôle. Mais RTL, c’est quelque chose de très particulier. Une maison très familiale. Pour mes dernières semaines d’antenne, j’ai droit à de grands moments. J’ai même vu l'un de mes souhaits se réaliser, puisqu’on m’a offert d’être le rédacteur en chef du Journal Inattendu le 4 juillet. C’était mon rêve !"
Il restera à vivre un moment compliqué : "Je ne serai pas sur la photo de rentrée… Mais des projets, oui, j’en ai ! Je m’imagine mal ne rien faire."


Jean-Charles Verhaeghe
Spécialiste des notions de proximité, Jean-Charles est journaliste, consultant et formateur chez... En savoir plus sur cet auteur

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