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Flashback en 2011 • 1981 – 2011 : les radios libres ont 30 ans

Préserver la magie qui caractérise la radio

Rédigé par le Mercredi 31 Juillet 2013 à 08:00 | modifié le Mardi 30 Juillet 2013 à 08:31




En 1981, le monopole d’Etat de la radiodiffusion prenait fin entrainant avec lui la création de dizaines de stations aux quatre coins de France. Trente ans après cette libéralisation des ondes, le paysage radiophonique français fait figure d’exception et demeure encore en perpétuelle évolution. Un signe de bonne santé.


archives Joëlle Girard
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Préserver la magie qui caractérise la radio

De la radio cotée en bourse à la station associative émettant son programme sur un territoire rural, le paysage radiophonique français se caractérise par sa diversité. Une diversité qui trouve son origine en 1981. Un bouleversement historique qui prend naissance officiellement le 9 novembre  au travers de la loi de tolérance, renforcée quelques mois plus tard par la loi du 29 juillet 1982 sur l’abolition du monopole. Faite de bric et de broc au début de la décennie 80, la radio s’est progressivement professionnalisée, développée, structurée… 
Que doit-on retenir de ces trente dernières années ? Certainement une des plus belles aventures : "Nouvelle Radio pour les Jeunes" plus connue sous le sigle NRJ, station mise bas dans une chambre de bonne près des Buttes Chaumont… Carbonne 14, La Voix du Lézard et les autres ont laissé des traces dans la mémoire collective. Plus récemment, la libre-antenne "Bonsoir la Planète" qui a popularisé Malher sur Skyrock, le duo Doc et Difool sur Fun Radio et des voix qui résonnent encore comme celles de Supernana ou de Smicky.
 
Mais cette aventure en modulation de fréquence ne s’arrête pas au périphérique parisien ni au péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines. La province n’a rien à envier à la capitale. Elle peut d’ailleurs s’enorgueillir de  belles réussites commerciales qui ont émaillé ces trente dernières années : Alouette qui s’envole vers un succès mérité,  la station Vibration et Sud Radio Groupe portés par le visionnaire Jean-Eric Valli, Espace Group détenu par Christophe Mahé, des stations aussi originales qu’éphémères, des liens sociaux au cœur des territoires ruraux qui perdurent encore malgré la pénurie de bonnes volontés et le versement de financements adéquats. Et puis, il y a les autres affichant souvent une relative discrétion mais qui, malgré ces trente années sont déterminées à demeurer de solides petites entreprises ou des communautés porteuses de valeurs : Canal Sud à Toulouse, Radio Zinzine à Forcalquier, Campus à Lille, radio Galère à Marseille ou Radio Libertaire à Paris…
 

archives Joëlle Girard
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Occuper les ondes pour libérer la parole

La radio ne se conjugue pas au passé. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles elle fait encore aujourd’hui preuve d’une certaine vitalité puisque obligée d’être tournée vers l’avenir pour durer. Mais force est de constater que certains épisodes radiophoniques (plus ou moins réussis) font encore des vagues dans la mémoire collective : Maxximum puis M40 ou l’éphémère mais très original réseau Pacific FM. Chic FM qui s’illustrera elle aussi, d’abord discrètement, sur une cinquantaine de fréquences en France avant de fusionner en 1987 avec le réseau Fun Radio. Europe 2, sous l’impulsion de Guy Banville, atteindra des audiences non négligeables… Ces entités ont accompagné des générations d’auditeurs et créé des souvenirs à des millions d’entre eux. 

Néanmoins, il est curieux de constater que l’histoire s’obstine à vouloir ne garder que ces grandes marques de la radio alors que toutes les autres  (Radio Lorraine Cœur d’Acier, SOS Emploi -la radio CFDT de Longwy- pour ne citer que ces deux exemples), ont servi indirectement  de tremplin aux premières…  Celles par qui tout arriva ont d’abord été revendicatives, politiques, combatives ou syndicales à leurs origines et demeurent  le point de départ de notre paysage radiophonique français. Il est désormais loin le temps où ces radios bricolées, proposaient des programmes originaux - au sens propre du terme - et défendaient avec une farouche conviction des valeurs, pourtant dans le plus grand amateurisme, et dans la peur permanente d’être débusquées par les fins limiers des Renseignements Généraux et de la DST.

archives Joëlle Girard
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Les Radios Pirates

L’aventure débute dans un relatif capharnaüm d’ondes fait d’émissions non autorisées, de saisies de matériels, d’arrestations et de poursuites judiciaires à l’encontre d’animateurs et de flibustiers des ondes. 
Les radios sont pirates avant d’être libres. Il faut dire que l’article 39 du Code des PTT a de quoi freiner les ardeurs et les envies de libertés des plus téméraires : "Quiconque transmet sans autorisation des signaux d’un lieu à un autre soit à l’aide d’appareils de télécommunication, soit par tout autre moyen, est puni d’un emprisonnement de un mois à un an et d’une amende de 3 600 à 36 000 F."
En 1976, les membres d’une  station lyonnaise dénommée Radio Active, et dont le but était de contrer le développement de la centrale nucléaire de Brugey, sont arrêtés et inculpés "d’établissement et de d’utilisation de station radio pirate".
 
Jusqu’au début de la décennie suivante, ces projets illégaux vont se suivre et se ressembler : des tentatives sont menées sur les campus de Rennes et de Lille. En 1977, Radio Verte (la radio des écologistes à Paris) peut s’écouter précise un article le quotidien France Soir le "7 avril en modulation de fréquence en plaçant le sélecteur de votre appareil entre Radio France et FIP à 18h".
Et qui se souvient de Radio Barbe Rouge émettant sur 93 Mhz à Toulouse qui commencera ses diffusions sous le nom de Radio Larzac le 15 août 1977 malgré les tentatives de brouillage effectuées par TDF. Radio libre 44 s’engage dans le mouvement anti-nucléaire et dans le combat syndical, Radio Verte Fessenheim en Alsace qui perpétue la langue alémanique, Radio CNAM née le temps d’une grève, Radio Fil-Bleu, portée par deux avocats, veut relayer deux heures par jour la vie montpelliéraine … L’Association pour la Libéralisation des Ondes (ALO) voit le jour dans le but de faire circuler les expériences, d’échapper au brouillage et d’assurer un front commun juridique...
Le 15 février 1978 se déroule la Journée Nationale des Radios Libres. De Lille à Toulouse, de Nantes à l’Alsace, une quinzaine de radios émettent simultanément durant la soirée pour le droit à l’expression sur les ondes.  Parmi elles, Radio à la Racine (Perpignan), Radio Babylone (Clermont-Ferrand), Radio 25 (Besançon)…  Le lendemain, le quotidien Libération titre à la Une Emettez-vous les uns les autres.
L’histoire retiendra enfin la convocation en juin 1979 devant le juge, du Premier Secrétaire du PS, François Mitterrand, alors très engagé au sein de l’équipe de Radio Riposte, station pirate du parti socialiste, qui donnera du fil à retordre aux forces de l’ordre. 
 

archives Joëlle Girard
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Mégahertz, stéréo, FM… Flashback

1981. Comme le chante et le fait rimer  Le Grand Orchestre du Splendid : "Radio Pirate, tout le monde s’éclate ". Sauf que 1981 rime également avec liberté pour les corsaires des ondes. L’élection de François Mitterrand sonnera le glas du monopole d’Etat. 
Si on ne les écoute pas encore tous les jours et si on est encore très loin des mesures d’audience, les radios font parler ! Une période d’insouciance radiophonique où toute création de station semble possible autour d’appellations burlesques et de contenus utopiques : Radio Tomate par exemple veut changer la vie mais affiche, comme pour la plupart, un farouche rejet de toute publicité commerciale. Le rêve se transformera en cauchemar pour de nombreuses stations. Faute de moyens financiers suffisants, l’argent aura raison de bon nombre d’entre elles et les antennes seront démontées.
 
Les années FM : le temps où la musique était encore l’avenir de la radio. Des animateurs propulsaient les Goldman, les Communards, les Jean-Pierre Mader et autres Jean-Luc Lahaye et Jakie Quartz…  Des jeunes voix, sans réel plan de carrière, se retrouvaient déjà starisées… C’était l’époque où l’on pouvait entendre son voisin évoquer l’organisation de la fête de l’andouille dans le village d’à côté et où l’on pouvait encore frapper à la porte du studio de la radio locale pour bénéficier de "son" émission pour faire découvrir "sa" musique dans une totale liberté mais dans le plus grand des amateurismes.
 
Ce trentième anniversaire des Radios Libres  marque également le départ progressif d’une génération d’hommes et de femmes, aujourd’hui presque sexagénaires, qui en pleine force de l’âge et au début des années 80, ont développé, porté à bout de bras et tenté d’encourager certaines valeurs. Avant d’accueillir une nouvelle génération, qui tentera elle aussi,  et espérons-le, de préserver cette magie qui caractérise la radio, que la première soit ici vivement remerciée.

archives Joëlle Girard
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Frédéric Brulhatour
Brulhatour est le rédacteur en chef du magazine La Lettre Pro de la Radio et le directeur associé... En savoir plus sur cet auteur

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