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Tribune : "Moi, Eric Lannoy, chef d’entreprise à Calais"

Rédigé par Eric Lannoy le Jeudi 3 Décembre 2015 à 08:40 | modifié le Vendredi 25 Mars 2016 à 08:37



"Calais, ce n’est pas ce que vous voyez dans les journaux". C'est le titre de cette tribune signée par Eric Lannoy. Le gérant de Radio 6 y souligne son amour pour sa ville, ses richesses, les valeurs des Calaisiens et il demande aux élus de se reprendre et d'aider les Calaisiens dans la triple crise qu'ils traversent : "économique, sociale et désormais migratoire".
Ce texte a été publié sur la page Facebook de Radio 6 et a déjà fait l’objet de plus de 600 partages et près de 1 000 "like".


Performance historique pour Radio 6  avec 93 500 auditeurs quotidiens selon la dernière vague des Médialocales (Sept. 2014 à juin 2015)
Performance historique pour Radio 6 avec 93 500 auditeurs quotidiens selon la dernière vague des Médialocales (Sept. 2014 à juin 2015)
Je suis Calaisien, profondément attaché à cette terre du Pas-de-Calais qui m’a vue naître. La vie a fait de moi un chef d’entreprise. J’ai fondé Radio 6 il y a 33 ans, elle emploie aujourd’hui 11 salariés. Elle est la première radio régionale indépendante de notre département, elle vient même de battre, sur la dernière saison radiophonique, son record historique d’audience. Pourtant, comme les autres entreprises et commerçants du Calaisis, nous ne cessons d’enregistrer une baisse de notre chiffre d’affaires, nous en sommes à notre deuxième restructuration en quatre ans. Nous avons du succès, nous gagnons des parts de marché, mais c’est comme si nous étions condamnés à ne jamais pouvoir bénéficier d’un peu de répit.

Calais enchaîne les crises. Économiques, sociales, à présent des migrants. Les caméras et les journalistes nationaux se succèdent dans nos rues mais ils ne s’arrêtent que sur la zone des migrants, ils pointent leur attention et leurs caméras sur cette terrible détresse en omettant de marquer un simple temps d’arrêt sur celle des Calaisiens.
Il suffit de se rendre en centre ville, sur le boulevard La Fayette, la principale artère commerçante de la ville pour prendre la mesure de la situation, partout sur les devantures fleurissent les panneaux « liquidation totale », rapidement remplacés par d’autres avec les mentions « à vendre » ou « à louer ».

Chez nous, à Calais, les commerçants n’ont plus personne à qui vendre, alors ils mettent la clé sous la porte. De nombreux restaurateurs enchainent les mois avec des baisses de chiffre d’affaires à deux chiffres.

Il y a peu, le gérant d’une grande enseigne de déménagement me racontait ses nombreuses missions sur Calais. Il m’expliquait que la ville était devenue sa première source de chiffre d’affaires, pour des déménagements vers d’autres villes. Autant de promesses pour un emploi, pour de meilleures perspectives économiques. Autant de départs sans retour.
Les touristes, comme les journalistes, ne s’arrêtent plus dans le centre ville de Calais. Ils nous fuient, ils veulent éviter de rester dans cette ville, dont les campements, les barbelés ainsi que ces centaines de silhouettes errantes sur les routes sont devenus les symboles. Quand les politiques viennent, ils s’intéressent aux migrants, parfois pour les aider, souvent pour les montrer du doigt et les utiliser, rarement ils nous rencontrent, jamais ils n’évoquent la profonde détresse des Calaisiens, leur désarroi face à cette situation ubuesque. Mon propos n’est certainement pas de jeter l’opprobre sur les politiques, nos élus locaux ont beaucoup de mérite, ils mettent tout en oeuvre pour améliorer le quotidien de la ville et des Calaisiens, mais que fait l’État pour nous ?

Les studios de Radio 6
Les studios de Radio 6

Les Calaisiens sont aujourd’hui les oubliés de la République. Celle-ci semble ne plus savoir comment nous aider, alors elle nous nie, elle nous efface. Certes, pour les élections régionales nous sommes devenus un enjeu presque national mais nous ne sommes pas le sujet, l’objet de cet enjeu qui fait exploser les sondages, ce sont les migrants. Pas nous.
Calais ne peut se réduire aux migrants. Les Calaisiens sont des gens optimistes et partagent des valeurs profondément humanistes, c’est sans doute l’une des explications de leur incroyable résistance qui est loin d’être une résignation. Ils se battent pour essayer d’enrayer la terrible spirale qui les frappe depuis une vingtaine d’année : la désindustrialisation, la crise économique, le chômage, la détresse sociale, enfin cette crise migratoire qui a choisit Calais comme escale vers l’Outre Manche.

Nous sommes sur le front. Nous, les chefs d’entreprise afin de maintenir les emplois, conscients de notre rôle. Les élus locaux qui se débattent pour faire émerger la crise aiguë qui nous frappe dans un malstrom politique et médiatique national peu attentif à notre sort. Enfin, les Calaisiens qui tiennent bon. Car oui, malgré tout, nous sommes fiers d’être Calaisiens !
Nous sommes fiers de ce Tunnel Sous la Manche, que beaucoup des nôtres ont creusé et qui semble aujourd’hui n’être devenu qu’une issue de secours vers l’Angleterre pour des populations littéralement jetées hors de leurs pays.
Nous sommes fiers de l’histoire de notre ville, dont le Beffroi est classé au Patrimoine mondial de l’Unesco et qui se projette toujours dans l’avenir avec des projets comme « Calais Port 2015 » mais également « Héroic Land », un surprenant parc d’attractions qui devrait ouvrir ses portes à l’horizon 2019. Nous croyons toujours en notre avenir touristique avec l’ « Eco-village balnéaire et golf de la Porte des Deux-Caps », nous investissons dans les réussites de demain avec le pôle numérique de Calais qui devrait accueillir de nombreuses entreprises de la nouvelle économie intéressées pour profiter du positionnement de Calais au coeur de l’Europe.

Calais est l’un des deux pôles français de la Dentelle avec un savoir-faire, mondialement reconnu, qui remonte au début du XVIIIème siècle. Que dire de notre fabuleuse plage et des chalets, historiques et si typiques qui s’animent à la belle saison ? Vous l’avez sans doute oublié, mais Calais a longtemps été une belle destination touristique. Ici, rien n’a changé, nos rivages sont toujours aussi magnifiques et les Calaisiens toujours chaleureux.
Oui, nous sommes fiers d’être Calaisiens. Nous nous battons en permanence pour ne pas sombrer malgré les multiples crises que nous subissons et qui semblent s’acharner sur notre ville et ses habitants. Il faut cesser de cantonner Calais aux images des migrants et à la crise économique. Nous avons besoin de pouvoir, également, être mis en avant pour ce que nous sommes : des gens courageux, travailleurs, profondément attachés à notre terre calaisienne, porteurs de valeurs humanistes.

Moi, Eric Lannoy, chef d’entreprise à Calais, calaisien de naissance, je veux croire en l’avenir. Je ne peux me satisfaire des prédictions des sondages. Je ne peux me résoudre à ce que les urnes se transforment en une forme de caricature de nous-mêmes. Je demande aux élus et aux candidats aux élections de se reprendre et de nous donner les moyens de surmonter cette crise économique, sociale et migratoire qui frappe si durement notre territoire, je leur demande de ne pas céder à la facilité d’exploiter les images sordides qui alimentent les chaînes de télévision et de miser plutôt sur nous, les Calaisiens.

Eric Lannoy
Gérant de Radio 6



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